PRELIA
Petites REvues de LIttérature et d'Art
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Éditeur Le Bureau de la Revue
localisé à Bruxelles
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Ajouter le résultat dans votre panier Affiner la rechercheL'Art libre / Henri Liesse
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Titre : L'Art libre Titre original : Revue artistique et littéraire, paraissant le 1er et le 15 de chaque mois Type de document : texte imprimé Auteurs : Henri Liesse, Secrétaire de rédaction Editeur : Bruxelles [Belgique] : Le Bureau de la Revue Année de publication : 1871-1872 Langues : Français (fre) Mots-clés : critique artistique théâtrale et musicale poésie Dimensions : 22 centimètrres Périodicité : bi-mensuel Prix : 20 centimes Nombre de pages : 16 pages Couvertures : les couvertures sont manquantes Illustrations : aucune illustration Publicités : aucune publicité Adresse : 17, rue Montagne de Sion, Bruxelles Numéros parus : 22 Histoire de la revue : Un prospectus du 11 février 1872 annonce que Camille Lemonnier reprend le journal et en poursuit la publication sous le titre de L'Art universel de 1873 à 1876. Déclaration d’intention : PROFESSION DE FOI, Il y a cinq ans, à Bruxelles, quelques jeunes gens se sont, réunis et ont formé le noyau de la Société libre des Beaux-Arts. On ressentait l’impérieux besoin de suivre les tendances nouvelles et de rompre une bonne fois avec tous les préjugés dont on avait trop longtemps subi la tyrannie. L’heure des vaines récriminations n’était plus : les symptômes d’un art nouveau devenaient par trop marqués : il fallait agir. Cet art se montrait avec tous les caractères de la liberté; l’idée dominante, ici comme dans toutes les réformes modernes, était celle d’affranchissement. Aussi, le simple fait de la création d’un cercle libre devait avoir de grandes conséquences. Ce fait n’avait l’air de rien; il se présentait entouré des circonstances les plus modestes ; il paraissait rentrer dans la catégorie des tentatives banales, qui se produisent tous les jours sans que le monde s’en doute, et ne sortent jamais de l’ombre où elles sont nées. En réalité, cette tentative avait une importance énorme, parce qu’elle était une revendication de droits, faite en temps opportun. Que cinq ou six personnes s’assemblent, un soir, dans un local quelconque, c’est là une chose absolument insignifiante par elle même, à laquelle il est impossible d’assigner aucune portée. Que ces personnes s’assemblent au nom de la liberté artistique, alors c’est bien différent. Elles-mêmes ne savent pas trop ce qui résultera de cette association et n’apprécient guère son importance; elles ne se disent pas que l’idée qui les réunit est appelée à faire son chemin nécessairement, en vertu des grandes lois qui régissent l'humanité. Elles ont la conscience et la foi, — sans plus. Cela suffit, et la Société libre est fondée. Aujourd’hui, la Société affirme son principe dans un journal : l'Art libre. Demain, le principe triomphera partout. C’est la loi. Il ne s’agit donc point, pour nous, ni de chercher un succès, ni de prêcher un évangileau nom d’une coterie, ni même de faire une propagande quelconque. Il s’agit simplement de constater ceci : Nous représentons l’art nouveau, avec sa liberté absolue d’allures et de tendances, avec ses caractères de modernité. Nos idées sont de celles qui triomphent fatalement et qui s’imposent tôt ou tard, malgré les réactions coalisées. Ce que nous voulons, c’est hâter l’heure de la victoire, formuler les principes de l’art moderne, affirmer hautement et franchement, lutter avec énergie contre tout ce quiarrête, détourne ou ralentit. Ceci, dira-t-on, implique l’intolérance. Parfaitement. Ce n’est point ici le lieu de revenir sur l’éternelle discussion sociale de l’instructionobligatoire, ce soi-disant attentat à la liberté. Nous savons, hélas ! que l’homme n’accepte pas la liberté sans y être contraint ; en effet, la première condition pour connaître et apprécier cette liberté, c’est la conscience de soi-même, qui ne s’acquiert que par l’instruction : c’est là le fameux cercle vicieux dont nous ne sortirons que grâce à u n acte d’autorité. Il en est de même en art : il faut faire éclore de force l’indépendance artistique, comme on obtient certains végétaux à l’aide de cultures spéciales, — sous peine de se traîner indéfiniment dans des ornières misérables. Nous voulons l’art libre. C’est pourquoi nous combattrons à outrance ceux qui le veulente sclave. Si c’est là de l’intolérance, soif ! Nous pouvons mourir demain, ou faiblir à la tâche; notre association peut se dissoudre,notre journal s’en aller, après une existence des plus éphémères, dans les limbes spéciaux destinés aux feuilles qui tombent, feuilles de laurier ou feuilles de chou. Qu’importe? L’idée restera: d’autres la reprendront et la mèneront où nous aurons été incapables de la mener nous-mêmes. Quoi qu’il arrive, nous pourrons toujours revendiquer l’honneur d’avoir arboré les premiers, en ce pays, le drapeau de la liberté artistique. On a répété souvent : « les Dieux s’en vont ! » Je trouve qu’ils ne sont pas assez partis. L’art de ce temps-ci doit avoir pour mission de chasser ce qu’il en reste, et de revenir à l’homme et à la nature — à la grande, nature que nous avons appris à connaître bien mieux que nos devanciers, et qui nous apparaît aujourd’hui dans toute sa plénitude. Faire amoureusement et honnêtement ce qu'on voit, — telle est la devise de la peinture moderne. Je n’entrerai point, à ce propos, dans la dispute fastidieuse de l’idéal et du réel, prétexte de rabâchages infinis : ou a suffisamment reconnu le vide de cette querelle qui portait plutôt sur des mots que sur des idées. Il n'y a plus guère maintenant que M. Prudhomme qui soit capable de reprendre sérieusement ce thème démodé, et d’exécuter là dessus quelques variations bien senties, en reprochant aux " réalistes " de manquer de poésie. Pour nous, nous savons que la poésie est répandue à profusion sur toutes choses, qu’elle y est contenue comme l’étincelle dans la pierre, et qu’il appartient à l’artiste de faire sortir cette étincelle magique par la contemplation assidue de ce qui tombe sous les sens. Si le talent y est, l’étincelle sortira nécessairement, et les amateurs de « poésie » n’auront rien à réclamer, car en continuant leurs plaintes ridicules, ils avoueront que leur poésie est fausse comme une osanore, de mauvais aloi, et substituant la rêverie creuse à la réalité saisissante. D’ailleurs, il est absurde de prétendre qu’en s’absorbant dans la contemplation des choses actuelles, en prenant la vie sur le fait, en l’étudiant dans ses manifestations immédiates, ou s’éloigne de la tradition. Nos ancêtres n’ont pas fait autrement : à chaque époque correspond un type particulier, qui sert d’objectif : l’antiquité possédait Vénus; le moyen-âge, la Vierge; nous avons la femme, qui nous suffit bien, j’imagine, et nous dispense d’aller chercher dans le passé des types perdus afin de leur communiquer une vie factice par des procédés de galvanisme. Si des hommes d’un talent justement reconnu nous ont donné cet exemple, ce n’est pas une raison pour que nous les suivions dans cette voie, car c’est précisément par là qu’ils ont péché. Bien plus : leur mémoire sera vouée, àcause do cela même, à d’éternels reproches, parce qu’ils ont l'ait d’autant plus de mal qu’ils ont été plus grands. Libre à un Delacroix, dans un temps où l’art moderne se débattait encore dans ses langes, de multiplier les essais afin de donner carrière à son génie, et de chercher ses inspirations partout. Mais nous n’admettrons jamais que le peintre d’aujourd’hui, de parti pris et par système, détourne ses regards du monde vivant, se confine dans la mort, cherche h nous rendre un monde disparu dont nous n’avons que faire, que ses contemporains nous ont légué d’ailleurs avec une supériorité que lui n’atteindra jamais, — puisqu’ils ont vu, et lui point. Ce sont les peintres qui ont créé la Société libre, c’est à la peinture que nous devons l’initiative de notre publication : c’est pourquoi la place principale lui revient ici ; mais non une place exclusive : le mouvement artistique dans toutes ses manifestations, tel est le domaine de l'A r t libre. Ici se présente une des questions les plus brûlantes de ce temps : la question musicale. Pour peu qu’on y réfléchisse, on retrouve en musique les mêmes tendances et les mêmes symptômes d’affranchissement. Il semble que la forme symphonique soit épuisée, et l’on ne peut guère concevoir de progrès après Beethoven. Mais il est une forme musicale correspondante à notre époque, qui en est le produit spécial, comme le roman en littérature, — forme toute neuve encore, imparfaite, soumise à d’ardentes recherches, non dégagée de toutes les choses opprimantes qui entourent les naissances : je veux parler de la musique dramatique, dont l’expression par excellence est l’opéra. La lutte, ici, est bien moins avancée qu’en peinture, et la rénovation musicale s’incarne aujourd’hui encore dans une personnalité unique : Richard Wagner. Il ne s’agit point, pour des gens qui professent la liberté dans l’art, de se ranger, passionnément et aveuglément, au parti d’un homme : il s’agit de discerner de quel côté est cette liberté pour laquelle ils combattent eux-mêmes. Or, je le proclame hautement, sans crainte d’être démenti par aucun de ceux qui poursuivent l’idéal nouveau : Richard Wagner est celui qui tient ferme, malgré toutes les réactions déchaînées, le flambeau de la vérité que nous cherchons. Je ne puis, dans cet article rapide et qui ne doit pas sortir des limites d’un programme, examiner le système wagnérien, montrer comment ce système, avec ses sujets exclusivement empruntés à la légende, est parfaitement d’accord avec nos tendances modernes : en effet, la légende est de tous les temps, elle appartient à l’humanité entière ; elle convient donc, par dessus tout, à l’expression musicale dramatique : Tannhauser, Lohengrin, le V aisseau Fantôme, fixés dans le temps et dans l’étendue terrestre pour les besoins scéniques, se passent en réalité dans ces lieux vagues, à ces époques indéterminées où le drame shakespearien lui-même avait placé le roi Lear. Je finis. Le grand poète Henri Heine s’écriait, dans l'Intermezzo : «Il s’agit d’enterrer les vieilles et méchantes chansons, les lourds et tristes rêves. Allez me chercher un grand cercueil. J’y mettrai bien des choses!... » Ah! que de choses nous aurons à mettre, frères, dans le cercueil où il s’agira d’enterrer nos vieilleries, à nous ! Combien il faudra de géants plus forts que le saint Christophe du dôme de Cologne pour porter le cercueil jusqu’à la mer, et l’y précipiter de façon il ce qu’il y reste à jamais ! Léon Dommartin Sources : BNF Arsenal - magasin 4- JO- 12571 < a. 1, n° 1 (15 déc. 1871)-n° 22 (1er déc. 1872) http://digistore.bib.ulb.ac.be/2013/ELB-ULB-a099-1871-1872-001.pdf Bibliographie : http://digitheque.ulb.ac.be/fr/digitheque-revues-litteraires-belges/periodiques-numerises/index.html#c11672 http://www.europeana.eu/portal/record/9200328/BibliographicResource_3000059131205.html?start=2&query=l%27art+libre+1871&startPage=1&rows=24 http://catalogue.bnf.fr/servlet/biblio?ID=41497566&SN1=0&SN2=0&idNoeud=1.1.1.1.1.1&FormatAffichage=0&host=catalogue [périodique] Voir les bulletins disponibles Rechercher dans ce périodique L'Art libre = Revue artistique et littéraire, paraissant le 1er et le 15 de chaque mois [texte imprimé] / Henri Liesse, Secrétaire de rédaction . - Bruxelles (17, rue Montagne de Sion, Belgique) : Le Bureau de la Revue, 1871-1872.
Langues : Français (fre)
Mots-clés : critique artistique théâtrale et musicale poésie Dimensions : 22 centimètrres Périodicité : bi-mensuel Prix : 20 centimes Nombre de pages : 16 pages Couvertures : les couvertures sont manquantes Illustrations : aucune illustration Publicités : aucune publicité Adresse : 17, rue Montagne de Sion, Bruxelles Numéros parus : 22 Histoire de la revue : Un prospectus du 11 février 1872 annonce que Camille Lemonnier reprend le journal et en poursuit la publication sous le titre de L'Art universel de 1873 à 1876. Déclaration d’intention : PROFESSION DE FOI, Il y a cinq ans, à Bruxelles, quelques jeunes gens se sont, réunis et ont formé le noyau de la Société libre des Beaux-Arts. On ressentait l’impérieux besoin de suivre les tendances nouvelles et de rompre une bonne fois avec tous les préjugés dont on avait trop longtemps subi la tyrannie. L’heure des vaines récriminations n’était plus : les symptômes d’un art nouveau devenaient par trop marqués : il fallait agir. Cet art se montrait avec tous les caractères de la liberté; l’idée dominante, ici comme dans toutes les réformes modernes, était celle d’affranchissement. Aussi, le simple fait de la création d’un cercle libre devait avoir de grandes conséquences. Ce fait n’avait l’air de rien; il se présentait entouré des circonstances les plus modestes ; il paraissait rentrer dans la catégorie des tentatives banales, qui se produisent tous les jours sans que le monde s’en doute, et ne sortent jamais de l’ombre où elles sont nées. En réalité, cette tentative avait une importance énorme, parce qu’elle était une revendication de droits, faite en temps opportun. Que cinq ou six personnes s’assemblent, un soir, dans un local quelconque, c’est là une chose absolument insignifiante par elle même, à laquelle il est impossible d’assigner aucune portée. Que ces personnes s’assemblent au nom de la liberté artistique, alors c’est bien différent. Elles-mêmes ne savent pas trop ce qui résultera de cette association et n’apprécient guère son importance; elles ne se disent pas que l’idée qui les réunit est appelée à faire son chemin nécessairement, en vertu des grandes lois qui régissent l'humanité. Elles ont la conscience et la foi, — sans plus. Cela suffit, et la Société libre est fondée. Aujourd’hui, la Société affirme son principe dans un journal : l'Art libre. Demain, le principe triomphera partout. C’est la loi. Il ne s’agit donc point, pour nous, ni de chercher un succès, ni de prêcher un évangileau nom d’une coterie, ni même de faire une propagande quelconque. Il s’agit simplement de constater ceci : Nous représentons l’art nouveau, avec sa liberté absolue d’allures et de tendances, avec ses caractères de modernité. Nos idées sont de celles qui triomphent fatalement et qui s’imposent tôt ou tard, malgré les réactions coalisées. Ce que nous voulons, c’est hâter l’heure de la victoire, formuler les principes de l’art moderne, affirmer hautement et franchement, lutter avec énergie contre tout ce quiarrête, détourne ou ralentit. Ceci, dira-t-on, implique l’intolérance. Parfaitement. Ce n’est point ici le lieu de revenir sur l’éternelle discussion sociale de l’instructionobligatoire, ce soi-disant attentat à la liberté. Nous savons, hélas ! que l’homme n’accepte pas la liberté sans y être contraint ; en effet, la première condition pour connaître et apprécier cette liberté, c’est la conscience de soi-même, qui ne s’acquiert que par l’instruction : c’est là le fameux cercle vicieux dont nous ne sortirons que grâce à u n acte d’autorité. Il en est de même en art : il faut faire éclore de force l’indépendance artistique, comme on obtient certains végétaux à l’aide de cultures spéciales, — sous peine de se traîner indéfiniment dans des ornières misérables. Nous voulons l’art libre. C’est pourquoi nous combattrons à outrance ceux qui le veulente sclave. Si c’est là de l’intolérance, soif ! Nous pouvons mourir demain, ou faiblir à la tâche; notre association peut se dissoudre,notre journal s’en aller, après une existence des plus éphémères, dans les limbes spéciaux destinés aux feuilles qui tombent, feuilles de laurier ou feuilles de chou. Qu’importe? L’idée restera: d’autres la reprendront et la mèneront où nous aurons été incapables de la mener nous-mêmes. Quoi qu’il arrive, nous pourrons toujours revendiquer l’honneur d’avoir arboré les premiers, en ce pays, le drapeau de la liberté artistique. On a répété souvent : « les Dieux s’en vont ! » Je trouve qu’ils ne sont pas assez partis. L’art de ce temps-ci doit avoir pour mission de chasser ce qu’il en reste, et de revenir à l’homme et à la nature — à la grande, nature que nous avons appris à connaître bien mieux que nos devanciers, et qui nous apparaît aujourd’hui dans toute sa plénitude. Faire amoureusement et honnêtement ce qu'on voit, — telle est la devise de la peinture moderne. Je n’entrerai point, à ce propos, dans la dispute fastidieuse de l’idéal et du réel, prétexte de rabâchages infinis : ou a suffisamment reconnu le vide de cette querelle qui portait plutôt sur des mots que sur des idées. Il n'y a plus guère maintenant que M. Prudhomme qui soit capable de reprendre sérieusement ce thème démodé, et d’exécuter là dessus quelques variations bien senties, en reprochant aux " réalistes " de manquer de poésie. Pour nous, nous savons que la poésie est répandue à profusion sur toutes choses, qu’elle y est contenue comme l’étincelle dans la pierre, et qu’il appartient à l’artiste de faire sortir cette étincelle magique par la contemplation assidue de ce qui tombe sous les sens. Si le talent y est, l’étincelle sortira nécessairement, et les amateurs de « poésie » n’auront rien à réclamer, car en continuant leurs plaintes ridicules, ils avoueront que leur poésie est fausse comme une osanore, de mauvais aloi, et substituant la rêverie creuse à la réalité saisissante. D’ailleurs, il est absurde de prétendre qu’en s’absorbant dans la contemplation des choses actuelles, en prenant la vie sur le fait, en l’étudiant dans ses manifestations immédiates, ou s’éloigne de la tradition. Nos ancêtres n’ont pas fait autrement : à chaque époque correspond un type particulier, qui sert d’objectif : l’antiquité possédait Vénus; le moyen-âge, la Vierge; nous avons la femme, qui nous suffit bien, j’imagine, et nous dispense d’aller chercher dans le passé des types perdus afin de leur communiquer une vie factice par des procédés de galvanisme. Si des hommes d’un talent justement reconnu nous ont donné cet exemple, ce n’est pas une raison pour que nous les suivions dans cette voie, car c’est précisément par là qu’ils ont péché. Bien plus : leur mémoire sera vouée, àcause do cela même, à d’éternels reproches, parce qu’ils ont l'ait d’autant plus de mal qu’ils ont été plus grands. Libre à un Delacroix, dans un temps où l’art moderne se débattait encore dans ses langes, de multiplier les essais afin de donner carrière à son génie, et de chercher ses inspirations partout. Mais nous n’admettrons jamais que le peintre d’aujourd’hui, de parti pris et par système, détourne ses regards du monde vivant, se confine dans la mort, cherche h nous rendre un monde disparu dont nous n’avons que faire, que ses contemporains nous ont légué d’ailleurs avec une supériorité que lui n’atteindra jamais, — puisqu’ils ont vu, et lui point. Ce sont les peintres qui ont créé la Société libre, c’est à la peinture que nous devons l’initiative de notre publication : c’est pourquoi la place principale lui revient ici ; mais non une place exclusive : le mouvement artistique dans toutes ses manifestations, tel est le domaine de l'A r t libre. Ici se présente une des questions les plus brûlantes de ce temps : la question musicale. Pour peu qu’on y réfléchisse, on retrouve en musique les mêmes tendances et les mêmes symptômes d’affranchissement. Il semble que la forme symphonique soit épuisée, et l’on ne peut guère concevoir de progrès après Beethoven. Mais il est une forme musicale correspondante à notre époque, qui en est le produit spécial, comme le roman en littérature, — forme toute neuve encore, imparfaite, soumise à d’ardentes recherches, non dégagée de toutes les choses opprimantes qui entourent les naissances : je veux parler de la musique dramatique, dont l’expression par excellence est l’opéra. La lutte, ici, est bien moins avancée qu’en peinture, et la rénovation musicale s’incarne aujourd’hui encore dans une personnalité unique : Richard Wagner. Il ne s’agit point, pour des gens qui professent la liberté dans l’art, de se ranger, passionnément et aveuglément, au parti d’un homme : il s’agit de discerner de quel côté est cette liberté pour laquelle ils combattent eux-mêmes. Or, je le proclame hautement, sans crainte d’être démenti par aucun de ceux qui poursuivent l’idéal nouveau : Richard Wagner est celui qui tient ferme, malgré toutes les réactions déchaînées, le flambeau de la vérité que nous cherchons. Je ne puis, dans cet article rapide et qui ne doit pas sortir des limites d’un programme, examiner le système wagnérien, montrer comment ce système, avec ses sujets exclusivement empruntés à la légende, est parfaitement d’accord avec nos tendances modernes : en effet, la légende est de tous les temps, elle appartient à l’humanité entière ; elle convient donc, par dessus tout, à l’expression musicale dramatique : Tannhauser, Lohengrin, le V aisseau Fantôme, fixés dans le temps et dans l’étendue terrestre pour les besoins scéniques, se passent en réalité dans ces lieux vagues, à ces époques indéterminées où le drame shakespearien lui-même avait placé le roi Lear. Je finis. Le grand poète Henri Heine s’écriait, dans l'Intermezzo : «Il s’agit d’enterrer les vieilles et méchantes chansons, les lourds et tristes rêves. Allez me chercher un grand cercueil. J’y mettrai bien des choses!... » Ah! que de choses nous aurons à mettre, frères, dans le cercueil où il s’agira d’enterrer nos vieilleries, à nous ! Combien il faudra de géants plus forts que le saint Christophe du dôme de Cologne pour porter le cercueil jusqu’à la mer, et l’y précipiter de façon il ce qu’il y reste à jamais ! Léon Dommartin Sources : BNF Arsenal - magasin 4- JO- 12571 < a. 1, n° 1 (15 déc. 1871)-n° 22 (1er déc. 1872) http://digistore.bib.ulb.ac.be/2013/ELB-ULB-a099-1871-1872-001.pdf Bibliographie : http://digitheque.ulb.ac.be/fr/digitheque-revues-litteraires-belges/periodiques-numerises/index.html#c11672 http://www.europeana.eu/portal/record/9200328/BibliographicResource_3000059131205.html?start=2&query=l%27art+libre+1871&startPage=1&rows=24 http://catalogue.bnf.fr/servlet/biblio?ID=41497566&SN1=0&SN2=0&idNoeud=1.1.1.1.1.1&FormatAffichage=0&host=catalogue